La clause d’agrément est un pilier fondamental du fonctionnement de nombreuses sociétés civiles immobilières (SCI). Elle incarne à la fois un outil de contrôle de la composition de la société et un levier de protection pour les associés en place.
Sa rédaction, pourtant souvent standardisée à la hâte lors de la création de la société, mérite une attention particulière, car ses effets peuvent être lourds de conséquences, tant sur la stabilité de la SCI que sur sa gestion patrimoniale. Voici ce qu’il faut savoir.
Qu’est-ce qu’une clause d’agrément dans une SCI ?
La clause d’agrément est une disposition statutaire qui soumet toute cession de parts sociales à l’accord préalable des autres associés. Elle trouve son fondement dans l’article 1861 du Code civil, qui précise que « les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec le consentement de tous les associés », sauf stipulation contraire des statuts.
Autrement dit, par défaut, l’unanimité est requise pour autoriser une cession de parts dans une SCI. Toutefois, les statuts peuvent aménager cette règle, notamment en abaissant le seuil d’agrément à une majorité qualifiée (par exemple, 2/3 des voix ou la majorité simple), ou en prévoyant des exceptions, comme la dispense d’agrément en cas de cession à un conjoint ou à un descendant.
Concrètement, voici comment une clause d’agrément fonctionne dans une SCI :
- Lorsqu’un associé souhaite céder ses parts, il doit notifier son projet de cession à la gérance, en indiquant l’identité du cessionnaire et les conditions de la cession.
- Le gérant convoque ensuite une assemblée générale (ou consulte les associés par écrit) pour soumettre cette demande à l’agrément.
- Si l’agrément est accordé (selon les règles statutaires), la cession peut avoir lieu. En cas de refus, la SCI ou les associés peuvent se porter acquéreurs, ou proposer un tiers acquéreur. À défaut, la cession est bloquée, sauf recours judiciaire.
Contenu-type d’une clause d’agrément dans les statuts d’une SCI
« Toute cession de parts sociales à un tiers non associé est soumise à l’agrément préalable de la société, donné par décision collective des associés représentant au moins les 3/4 des parts sociales. La demande d’agrément est notifiée par lettre recommandée avec avis de réception. À défaut de réponse dans un délai de trois mois à compter de la réception, l’agrément est réputé acquis. »
Ce type de clause vise à éviter l’entrée d’un tiers non souhaité dans la société, ce qui est particulièrement pertinent dans les SCI familiales ou de gestion patrimoniale à long terme.
Pourquoi la clause d’agrément est-elle essentielle dans une SCI ?
Dans une SCI, la clause d’agrément ne relève pas d’un simple formalisme statutaire : elle joue un rôle de filtre stratégique, en permettant aux associés de conserver la maîtrise de la composition du groupe. Les enjeux sont multiples :
1. Préserver la cohésion entre associés
Les SCI sont généralement créées pour gérer un patrimoine immobilier à plusieurs. Il est donc crucial que les associés s’entendent, notamment lorsqu’il faut prendre des décisions collectives (location, travaux, vente…). L’agrément empêche l’entrée d’un tiers qui pourrait rompre cette cohésion ou perturber la gouvernance de la société.
2. Protéger le caractère familial ou professionnel de la SCI
Dans les SCI familiales, la clause d’agrément empêche par exemple qu’un ex-conjoint ou une personne extérieure à la famille entre au capital à la suite d’une succession, d’un divorce ou d’une vente de parts. Elle protège ainsi la dimension patrimoniale et privée de la société.
De même, dans une SCI professionnelle (destinée à loger un local d’entreprise), elle permet de garder le contrôle du foncier entre coexploitants ou associés professionnels.
3. Encadrer la transmission de parts sociales
L’agrément permet aussi d’organiser la transmission des parts dans le cadre d’une donation ou d’une succession. Par exemple, les statuts peuvent prévoir que les enfants héritiers d’un associé ne deviennent associés qu’après agrément, ou qu’un droit de préemption est exercé en cas de refus.
4. Valoriser les parts sociales
Enfin, cette clause peut indirectement favoriser la valorisation des parts sociales : en filtrant les cessions, la SCI garantit une certaine stabilité de l’actif et de la gouvernance, ce qui rassure les banques ou les investisseurs dans certains projets de SCI à vocation commerciale.
Bien rédiger une clause d’agrément dans une SCI : conseils pratiques
Si la clause d’agrément est presque systématiquement prévue dans les statuts de SCI, sa formulation conditionne fortement son efficacité. Une rédaction trop vague, trop stricte ou déséquilibrée peut poser problème. Voici les conseils clés pour bien la rédiger :
1. Déterminer les cessions concernées
Il est important de distinguer les cessions à des tiers, à des membres de la famille, entre conjoints, ou à d’autres associés. En pratique, les statuts peuvent :
- Exiger un agrément pour les cessions à des tiers extérieurs uniquement,
- Prévoir un agrément automatique ou une dispense d’agrément pour les cessions au sein du cercle familial (conjoint, ascendants, descendants),
- Ou, à l’inverse, inclure toutes les cessions, quelle que soit la qualité du cessionnaire.
La bonne solution dépend du projet de la SCI. Une SCI de gestion familiale aura tout intérêt à limiter les agréments aux cas de cession à des tiers.
2. Fixer clairement les modalités d’agrément
Les statuts doivent préciser les modalités de demande et d’obtention de l’agrément :
- Délai de réponse à la demande d’agrément (souvent 3 mois maximum),
- Mode de consultation des associés (assemblée générale ou consultation écrite),
- Majorité requise pour donner l’agrément (unanimité ou majorité qualifiée),
- Conséquences du silence des associés (agrément acquis ou refusé).
Un exemple clair :
« En l’absence de décision notifiée au cédant dans un délai de 3 mois à compter de la notification du projet de cession, l’agrément est réputé acquis. »
Ce mécanisme évite les blocages et protège le cédant contre une paralysie de la décision.
3. Prévoir le sort des parts en cas de refus
L’article 1862 du Code civil prévoit que si l’agrément est refusé, les associés doivent proposer un tiers acquéreur ou que la SCI rachète les parts, à un prix fixé selon les statuts ou par expert. Les statuts doivent encadrer cette situation en prévoyant :
- Le délai pour racheter les parts ou proposer un acquéreur (souvent 6 mois),
- Les modalités de fixation du prix (expert désigné d’un commun accord, expert judiciaire, valeur comptable…),
- Une période au terme de laquelle la cession devient libre si aucun rachat n’est effectué.
Cela permet d’éviter des litiges longs et coûteux.
4. Adapter la clause à la taille et à la vocation de la SCI
Une SCI familiale composée de deux parents et de leurs enfants peut fonctionner avec une clause d’agrément stricte. En revanche, une SCI d’investissement impliquant plusieurs investisseurs indépendants aura tout intérêt à insérer une clause plus souple, notamment pour attirer des cessionnaires sans devoir passer systématiquement par l’unanimité.
5. Consulter un notaire ou un avocat pour sécuriser la rédaction
Enfin, la rédaction d’une clause d’agrément a des effets juridiques majeurs. Il est donc conseillé de faire appel à un professionnel du droit (notaire, avocat spécialisé ou expert-comptable) pour :
- Adapter la clause aux objectifs patrimoniaux de la SCI,
- Respecter les exigences du Code civil,
- Éviter toute ambiguïté dans l’interprétation des statuts.
Points clés d’une clause d’agrément efficace
| Élément à prévoir | Recommandations pratiques |
| Type de cession concernée | Définir si l’agrément s’applique à toutes les cessions ou seulement à celles vers des tiers |
| Procédure de demande d’agrément | Délai de réponse, notification par LRAR, modalités de consultation |
| Quorum ou majorité pour l’agrément | Unanimité ou majorité qualifiée (ex. 2/3 ou 3/4 des parts sociales) |
| Conséquences d’un refus | Droit de préemption, rachat par la SCI, proposition d’un autre acquéreur |
| Fixation du prix de rachat | Référence à un expert ou méthode convenue dans les statuts |
| Clause de sauvegarde en cas d’inaction | Prévoir que la cession devient libre passé un certain délai |
La clause d’agrément est un outil de gouvernance et de protection patrimoniale incontournable dans une SCI. Elle permet de contrôler l’identité des associés, de maintenir l’équilibre du groupe, et d’encadrer la transmission des parts sociales. Encore faut-il qu’elle soit bien rédigée et adaptée au projet de la société. Une clause trop rigide peut bloquer des opérations nécessaires, tandis qu’une clause trop permissive expose les associés à des conflits ou à l’entrée d’un tiers indésirable.
Pour sécuriser les intérêts de chacun, il est donc vivement recommandé d’y accorder une attention particulière dès la rédaction des statuts, voire de la modifier en cours de vie sociale si elle ne reflète plus les réalités de la SCI. Une clause d’agrément bien pensée est une garantie de stabilité pour votre société.


