SCI et usufruit : comment organiser la transmission de patrimoine ?

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SCI et usufruit organiser transmission patrimoine

La société civile immobilière (SCI) est un outil patrimonial très prisé des familles françaises. Sa souplesse juridique, sa capacité à faciliter la gestion à plusieurs et son utilité pour anticiper la transmission d’un bien immobilier la rendent particulièrement attractive. 

Parmi les leviers juridiques qui permettent d’optimiser cette transmission, la technique du démembrement de propriété — et notamment l’usufruit — occupe une place centrale. Organiser une donation ou une succession en combinant SCI et usufruit permet non seulement de transmettre son patrimoine efficacement, mais aussi d’en conserver l’usage ou les revenus pendant toute une vie. On vous explique. 

Qu’est-ce que l’usufruit ? Une définition juridique 

Le Code civil définit l’usufruit à l’article 578 comme « le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance » (source : Légifrance). 

Autrement dit, l’usufruitier a le droit d’utiliser le bien et d’en percevoir les fruits (loyers, récoltes, intérêts), sans pouvoir le vendre ni le modifier en profondeur. Le nu-propriétaire, quant à lui, détient le droit de disposer du bien, mais ne peut ni l’utiliser ni en percevoir les revenus tant que l’usufruit n’a pas pris fin. 

Ce démembrement de propriété — usufruit d’un côté, nue-propriété de l’autre — est temporaire : il prend généralement fin au décès de l’usufruitier, moment où la pleine propriété se reconstitue automatiquement entre les mains du nu-propriétaire. 

L’usufruit dans une SCI : un levier stratégique 

Lorsqu’un bien immobilier est détenu via une SCI, l’usufruit ne porte plus directement sur le bien lui-même, mais sur les parts sociales de la société. Il est donc tout à fait possible de démembrer les parts d’une SCI entre un usufruitier et un nu-propriétaire. Cette souplesse permet de dissocier très finement les droits de gestion, d’usage et de revenus liés au patrimoine immobilier. 

En pratique, le plus souvent, ce montage est utilisé pour transmettre progressivement un bien à ses enfants tout en conservant l’usage ou les revenus du bien immobilier. Les parents conservent l’usufruit des parts sociales, tandis que la nue-propriété est transmise par donation aux enfants. Ce dispositif présente de nombreux avantages juridiques, fiscaux et familiaux

Pourquoi combiner SCI et usufruit pour transmettre un patrimoine ? 

La combinaison d’une SCI et d’un démembrement de propriété présente de nombreux atouts lorsqu’il s’agit de préparer sa succession ou d’optimiser une transmission de patrimoine. 

D’une part, elle permet de transmettre la nue-propriété des parts de la SCI de manière anticipée, ce qui réduit significativement la base taxable au moment de la donation. En effet, la valeur des parts transmises est calculée selon un barème légal de l’article 669 du Code général des impôts, en fonction de l’âge de l’usufruitier. Plus le donateur est jeune, plus la valeur de l’usufruit est importante, et donc plus la nue-propriété transmise est faible, ce qui permet de profiter pleinement des abattements fiscaux (100 000 € par parent et par enfant, renouvelables tous les 15 ans). 

D’autre part, l’usufruitier — généralement un parent — conserve les revenus locatifs des biens détenus par la SCI. Il garde aussi un droit de regard sur la gestion, notamment si les statuts prévoient un gérant désigné parmi les usufruitiers. Cela permet de continuer à organiser la gestion du bien, d’en percevoir les loyers, tout en anticipant sereinement la transmission. 

Enfin, ce mécanisme permet d’éviter l’indivision successorale au moment du décès, source fréquente de conflits familiaux. En effet, au décès de l’usufruitier, la pleine propriété des parts sociales se reconstitue automatiquement entre les mains des enfants, sans formalité complexe ni taxation supplémentaire. 

Comment organiser la transmission du patrimoine via une SCI et l’usufruit ? 

Pour que la combinaison SCI + démembrement soit efficace, encore faut-il respecter une méthodologie rigoureuse, tant sur le plan juridique que fiscal. 

La première étape consiste à créer une SCI si ce n’est pas déjà fait. Elle peut être constituée par un couple, un parent avec ses enfants ou tout autre groupe d’associés. L’actif principal de cette SCI est généralement un ou plusieurs biens immobiliers. 

Une fois la société constituée, les parts sociales sont réparties entre les associés fondateurs. À ce stade, il est possible de prévoir une clause statutaire encadrant le démembrement futur (par exemple, la répartition des droits de vote entre usufruitiers et nus-propriétaires, ou les modalités de nomination du gérant). Ces clauses doivent être rédigées avec soin pour éviter les litiges. 

La deuxième étape consiste à organiser le démembrement des parts sociales. Cela se fait par une donation de la nue-propriété des parts à ses enfants, tout en en conservant l’usufruit. Cet acte est obligatoirement réalisé par un notaire, puisqu’il s’agit d’une donation avec conséquences fiscales. Le notaire se chargera de l’acte authentique, de la déclaration au service des impôts, et du calcul des droits à régler. 

Cas pratique : un parent détient 100 % des parts d’une SCI. Il décide de transmettre la nue-propriété à ses deux enfants. S’il a 65 ans, la nue-propriété vaut 60 % de la pleine propriété selon le barème fiscal, ce qui permet de transmettre une valeur réduite tout en bénéficiant de l’abattement de 100 000 € par enfant. Les revenus locatifs continueront à être perçus par le parent jusqu’à son décès. 

Il est essentiel d’adapter les statuts de la SCI pour bien répartir les pouvoirs : dans certains cas, le droit de vote peut être attribué à l’usufruitier, dans d’autres aux nus-propriétaires, ou partagé selon les décisions. La rédaction de ces clauses doit être précise et équilibrée. 

Faut-il faire appel à un notaire pour organiser cette transmission ? 

Dans le cadre d’un démembrement simple (par exemple, achat en démembrement avec usufruit temporaire), le recours à un notaire n’est pas toujours obligatoire. Toutefois, dès lors qu’il s’agit d’une transmission à titre gratuit (donation ou succession), l’intervention d’un notaire est légalement requise. 

Ce professionnel est indispensable pour rédiger les actes, évaluer la valeur des parts transmises, optimiser la fiscalité de l’opération et veiller à la bonne conformité des clauses statutaires. Il peut également accompagner la famille dans la rédaction de conventions d’usufruit ou dans la mise à jour du registre des associés. 

Dans les montages plus complexes, par exemple en cas de clause de remploi de capitaux, de création de SCI intergénérationnelle ou de répartition différenciée des droits de vote, un notaire ou un expert-comptable spécialisé est fortement recommandé pour sécuriser l’opération sur le plan fiscal comme civil. 

Avantages et points de vigilance du démembrement de parts en SCI 

Pour mieux comprendre les enjeux, voici un tableau récapitulatif des principaux avantages et des précautions à prendre : 

Avantages Points de vigilance 
Réduction des droits de donation grâce à la valorisation réduite des parts en nue-propriété Rédaction précise des statuts pour éviter les conflits entre usufruitier et nu-propriétaire 
Maintien des revenus locatifs par les parents Obligation de passer par un notaire pour sécuriser la donation 
Transmission anticipée du patrimoine sans blocage de gestion Nécessité de bien répartir les droits de vote et pouvoirs de gestion 
Sortie de l’indivision successorale au décès Risque de requalification fiscale en cas de montage artificiel 

crédit photo : iStock

Ressources complémentaires sur la Société civile immobilière