La dissolution d’une SCI marque la fin de son existence juridique. Elle peut être volontaire, lorsqu’elle est décidée par les associés, ou imposée, notamment par décision judiciaire. Cette seconde hypothèse, plus rare mais juridiquement encadrée, survient en cas de blocage, de désaccords majeurs ou de manquements graves aux règles légales ou statutaires. La dissolution judiciaire constitue alors une sanction lourde, dont les conséquences sont irréversibles pour la SCI et ses associés.
Dissolution d’une SCI : définition juridique
Tout d’abord, il faut savoir que la dissolution d’une société désigne l’acte juridique qui met fin à son activité normale. Elle n’entraîne pas immédiatement la disparition de la personne morale, mais ouvre une période transitoire appelée liquidation, durant laquelle l’actif est réalisé, les dettes sont apurées, et le solde éventuel est réparti entre les associés.
Il existe deux grandes formes de dissolution :
- La dissolution volontaire, décidée par les associés, généralement à l’expiration de la durée de la société, ou par anticipation lorsqu’ils souhaitent mettre fin à la SCI.
- La dissolution judiciaire, imposée par le tribunal, lorsque des circonstances exceptionnelles empêchent le fonctionnement normal de la société.
Dans tous les cas, la dissolution emporte des conséquences importantes : arrêt de l’activité de la SCI, nomination d’un liquidateur, publication légale, radiation du RCS à l’issue de la liquidation, et fiscalité spécifique (imposition des plus-values, liquidation du régime fiscal, etc.).
Cas de dissolution judiciaire imposée à une SCI
Une SCI peut être dissoute judiciairement lorsque certaines conditions sont réunies. Ces situations sont prévues par le Code civil (notamment les articles 1844-7 et suivants) et par la jurisprudence constante des juridictions civiles.
Tour d’horizon des principaux cas pouvant entraîner une dissolution judiciaire d’une SCI.
1. Paralysie de fonctionnement de la SCI
Lorsque la société se trouve dans une situation de blocage durable, elle ne peut plus fonctionner normalement. Ce cas est fréquent dans les SCI familiales, où des désaccords profonds entre associés rendent toute décision impossible.
Cela peut résulter :
- d’un égal partage des voix empêchant toute résolution en assemblée,
- de l’absence de gérant (démission sans remplacement, décès…),
- du refus persistant d’un ou plusieurs associés de signer les actes nécessaires à la gestion courante.
Le tribunal judiciaire peut être saisi par tout associé pour constater la paralysie et ordonner la dissolution de la SCI.
Exemple jurisprudentiel : la Cour de cassation a validé la dissolution d’une SCI dont les associés n’avaient plus tenu d’assemblée générale depuis plus de 3 ans, paralysant toute gestion (Cass. civ. 3e, 14 mars 2019, n° 18-13.185).
2. Non-respect de l’objet social ou impossibilité de réalisation
La dissolution peut être prononcée lorsque l’objet pour lequel la société a été constituée est devenu irréalisable. Si, par exemple, une SCI a été créée pour construire un immeuble et que le terrain est finalement frappé d’une interdiction administrative ou que le financement est définitivement refusé, elle n’a plus de raison d’être.
De même, si la SCI ne détient plus aucun bien immobilier et n’a plus d’activité effective, le juge peut considérer que son objet social est vidé de sa substance.
3. Justes motifs (article 1844-7, 5° du Code civil)
La loi permet à tout associé de demander en justice la dissolution de la société pour « justes motifs ». Il s’agit d’une clause « ouverte », que le juge apprécie souverainement au regard de la gravité des faits reprochés. Parmi les motifs retenus par la jurisprudence figurent :
- La mésentente grave et persistante entre associés compromettant la gestion de la SCI,
- Le comportement frauduleux du gérant ou d’un associé (abus de biens sociaux, violation des statuts…),
- La non-convocation des assemblées générales ou la gestion en dehors de tout cadre légal.
Il ne suffit pas d’un simple désaccord ponctuel : le juge recherche l’existence d’un conflit durable et profond, rendant impossible la poursuite de l’objet social dans des conditions normales.
4. Demande d’un créancier
Bien qu’exceptionnelle, la dissolution judiciaire peut être demandée par un créancier de la SCI, notamment en cas d’inexécution grave des obligations de la société ou si elle est manifestement insolvable sans pour autant que les conditions d’une liquidation judiciaire soient réunies.
Dans ce cas, le tribunal apprécie la gravité de la situation et l’intérêt légitime du créancier à obtenir la dissolution de la SCI pour faciliter le recouvrement de sa créance.
5. Non-respect des statuts ou du cadre légal
Si la SCI viole gravement ses propres statuts ou ne respecte pas certaines obligations légales (par exemple, défaut d’immatriculation, défaut de tenue de comptabilité, exercice d’une activité commerciale interdite…), cela peut entraîner une action en dissolution.
Le tribunal peut alors constater l’illégalité de la situation et prononcer la fin de la société, surtout si les irrégularités sont persistantes ou si elles portent atteinte à l’intérêt des tiers ou des associés.
Récapitulatif des cas de dissolution judiciaire d’une SCI
Voici un tableau synthétique permettant de visualiser les différents cas dans lesquels une dissolution judiciaire peut être imposée à une SCI :
| Motif | Fondement juridique | Critères | Recours possibles |
| Paralysie de fonctionnement | Jurisprudence + intérêt social | Blocage durable, égalité des voix, gérance vacante | Saisine du tribunal judiciaire par un associé |
| Objet devenu irréalisable | Article 1844-7, 2° du Code civil | Projet abandonné, impossibilité technique ou juridique | Demande en justice ou décision des associés |
| Justes motifs (mésentente, abus, etc.) | Article 1844-7, 5° du Code civil | Mésentente grave, comportement fautif, gestion irrégulière | Action individuelle de l’associé concerné |
| Demande d’un créancier | Pouvoir souverain du juge civil | Insolvabilité, inexécution, intérêt à agir du créancier | Saisine du tribunal sur preuve d’intérêt légitime |
| Manquement aux statuts / à la loi | Contrôle de légalité du juge | Activité illicite, absence d’assemblée, non-respect des obligations | Action des associés, tiers ou autorités publiques |
Quelle procédure suivre en cas de demande de dissolution judiciaire ?
Lorsqu’un associé ou un tiers souhaite engager une demande en dissolution judiciaire, il doit saisir le tribunal judiciaire du siège social de la SCI. L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire, mais vivement recommandée compte tenu des enjeux et de la complexité de la procédure.
Le juge appréciera :
- la réalité des faits invoqués,
- leur gravité,
- les conséquences sur le fonctionnement de la société,
- et la possibilité ou non de trouver une solution alternative (changement de gérant, vente des parts…).
S’il estime que les conditions sont réunies, il prononcera la dissolution de la SCI et nommera, si nécessaire, un liquidateur judiciaire chargé d’assurer la clôture des opérations. Cette décision est susceptible d’appel, ce qui peut retarder la mise en œuvre effective de la dissolution.
Peut-on éviter la dissolution judiciaire d’une SCI ?
Il est possible d’éviter une dissolution judiciaire en mettant en œuvre des solutions amiables, notamment :
- la vente des parts par un associé en conflit,
- la désignation d’un nouveau gérant neutre,
- l’aménagement des statuts pour éviter les blocages (par exemple, en prévoyant un mécanisme d’arbitrage ou une majorité qualifiée),
- ou, à défaut, une dissolution volontaire à l’amiable, ce qui permet de maîtriser le calendrier et d’éviter une procédure judiciaire coûteuse.
Dans certains cas, la médiation ou la conciliation judiciaire peut être une alternative efficace pour régler les différends et maintenir la société en activité.
Ce qu’il faut retenir, c’est que la dissolution judiciaire d’une SCI est une mesure grave, réservée aux situations où le fonctionnement de la société est durablement compromis. Elle peut être demandée en cas de blocage, de conflit grave entre associés, ou d’irrégularités majeures.
Pour l’éviter, il est essentiel d’anticiper les risques dès la rédaction des statuts et d’entretenir un dialogue régulier entre associés. À défaut, le recours au juge peut s’imposer, avec des conséquences patrimoniales et fiscales importantes pour les membres de la SCI.

